Le mésusage d’alcool et drogues sur les lieux de travail

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4 Mars 2016

Mon salarié consomme-t-il trop d’alcool ? Mon collègue fume-t-il du cannabis ? Prend-il de la cocaïne ? Ce responsable ne serait-il pas sous l’influence de médicaments ?

Mes salariés ne sont pas concernés … Cela n’impacte pas la performance de mon entreprise …

Pourtant…

La consommation de substances psychoactives (alcool, tabac, drogues, médicaments psychotropes) est un véritable problème de société mais reste un tabou en milieu professionnel.

Bien souvent, les entreprises ne trouvent pas les mots pour évoquer ces questions (surtout s’il ne s’agit pas de postes à risque) et peu arrivent à mettre en place une prévention adéquate.

Infographie : alcool et drogues au travail

Alcool, drogues au travail : tous les salariés sont concernés !

La consommation d’alcool et drogues concerne la majorité des membres d'une entreprise (salariés itinérants ou non).

Aucune classe socioprofessionnelle n’est épargnée mais les métiers les plus pénibles physiquement (industrie lourde, bâtiment, agriculture, manutention…), et ceux pour lesquels le relationnel est important (artisanat, commerciaux, journalistes, artistes…) sont les plus exposés à la consommation d’alcool durant leurs activités professionnelles.

Les professions artistiques ou à forte exigence de performance (architectes) usent plus volontiers de la cocaïne ou des amphétamines.

Bien sûr, des facteurs individuels interviennent mais au-delà de cela, l’organisation, les conditions de travail, le type de management peuvent contribuer notablement à l’accroissement de ces risques de consommation. Les facteurs suivants sont particulièrement influents :

  • Désaccords fréquents avec le supérieur hiérarchique
  • Manque de reconnaissance
  • Conflits entre collègues
  • Lassitude liée au travail répétitif
  • Clientèle exigeante ou public difficile
  • Surcharge de travail
  • Trop de responsabilités sans moyens d’agir
  • Manque de reconnaissance
  • Travail isolé ou de nuit …

Quelles conséquences ?

Outre ses effets accidentogènes, ce mésusage peut altérer le bon fonctionnement d’une entreprise ou d’un service et générer des coûts importants.

Les conséquences sur le travail sont importantes : efficacité et qualité du travail, démotivation, accidents du travail et maladie professionnelle, absentéisme et retards fréquents…

La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies (MIDLT) a calculé que l’absentéisme du salarié « accro » est multiplié par deux à cinq, en fréquence comme en durée.

Les arrêts de travail de plus de trois semaines sont multipliés par quinze !

L’entreprise enregistre aussi une hausse des incidents de production, d’où une baisse de la productivité avec désorganisation du travail, augmentation de la charge pour les autres salariés…

Consequences

Mais quelles responsabilités pour l’entreprise ?

Encadrer les pots d'entreprise et garantir la sécurité du lieu de travail:

Pratique courante et courue, le pot ou soirée d'entreprise est l'occasion de rassembler les salariés autour d'un verre. Mais attention, l'employeur a une obligation générale de sécurité. C'est pourquoi il doit savoir se servir du règlement intérieur car, en cas d'accident, sa responsabilité est engagée.

  • Article R4228-20 du code du travail : « Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail ».
  • Article R4228-21 du code du travail : « Il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse ».
  • L’employeur est tenu d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs (article L. 4121-1 du Code du travail). En cas de manquement, il peut être poursuivi pour faute inexcusable.
  • L’employeur est responsable des dommages que ses salariés peuvent causer à des tiers (article 1384 du Code civil). Les juges insistent aussi sur sa responsabilité en matière de prévention. Sa responsabilité civile, voire pénale, peut être engagée en cas d’accident d’un salarié sous l’emprise de drogues, ou en cas d’usage (ou de trafic) au sein de l’entreprise.

Priorité à la prévention

Les addictions – alcool en tête – soient devenues dans les entreprises le troisième sujet de préoccupation, juste après les risques professionnels et les accidents du travail, loin devant le stress ou les fameux troubles musculo-squelettiques (TMS).

  • La charte alcool

La charte permet d’informer et de fixer un cadre. Ce cadre peut prévoir qu’une autorisation préalable soit nécessaire pour tous les pots et manifestations festives avec mise à disposition d’alcool, limiter les quantités mises à disposition en fonction du nombre de salariés présents. Bref, il s’agit de fixer les règles de bonne conduite.
Ce document ne doit pas être une liste de vœux pieux. Il s’agit d’un engagement de l’entreprise qui doit être mis en œuvre au quotidien quel que soit son niveau hiérarchique. Pour y parvenir, mieux vaut associer largement les collaborateurs, c’est l’une des clés du succès.

  • La communication : l’information des salariés

Le rappel des règles joue un rôle important dans la prévention en matière d’alcool.
En tout temps
- Lors de la mise en application de nouvelles dispositions,
- Lors de l’accueil sécurité d’un nouvel embauché,
- A chaque incident,
- Régulièrement de façon à empêcher l’installation de mauvaises habitudes collectives.

  • Le signalement au médecin du travail

La hiérarchie ne doit pas attendre qu’un salarié ayant des tendances à l’intempérance se mette en danger physiquement et professionnellement pour en informer le médecin du travail. Si les actions de soins sont mises en place tardivement elles ont moins de chance d’aboutir. Il s’agit d’un vrai service à rendre au salarié en difficulté.

Les bons réflexes

  • Oser aborder le sujet plutôt que réprimer ou traiter après coup.
  • Impliquer les acteurs concernés dans l'entreprise : direction, DRH, assistante sociale, médecin du travail, infirmière...
  • Faire intervenir un groupe de prévention pluridisciplinaire formé.
  • Pointer les dysfonctionnements (absences, accidents, baisses de performance) plutôt que faire un diagnostic médical sauvage...

Pour un responsable de ressources humaines, il y a deux façons de considérer le problème : prévention ou répression.

La répression est la voie la plus facile : on fait des contrôles inopinés auprès des salariés soupçonnés de dépendance sur les postes à risque, on les sanctionne voire on les licencie pour faute. L'employeur peut en effet, par la voie du règlement intérieur, limiter voire interdire l'introduction et la consommation de boissons alcoolisées et de substances illicites si cette mesure est justifiée par des motifs de sécurité au travail.

La prévention (information, formation, responsabilisation) est encore la meilleure solution pour empêcher des collaborateurs de sombrer.

Selon un sondage BVA : Si les trois quarts des dirigeants et cadres RH affirment être bien informés du problème, à peine la moitié d’entre eux déclarent connaître les réponses pour y faire face et bien trop souvent encore, la prise en compte reste individuelle, soit sous la forme de sanctions disciplinaires, soit avec une prise en charge médicale.

Pourtant, il n’est pas suffisant d’interdire pour enrayer le problème et la France, a encore des progrès à faire en matière de prévention et d’éducation à la santé. Il s’agit de convaincre l’équipe de direction que mieux vaut agir en amont, collectivement, que de seulement régler les situations d’urgence et au cas par cas.

Qui sont les acteurs de cette prise de conscience ?

  • Au plus haut niveau de l’entreprise

La prévention de la consommation de substances psychoactives ou des addictions comportementales constitue un élément de la santé et de la qualité de vie au travail et en tant que tel de la performance des entreprises et des administrations. De ce fait, la mise en place de la démarche de prévention doit être portée au plus haut niveau stratégique par le dirigeant, le comité de direction ou le DRH.

  • Le médecin du travail

Le médecin du travail ou de prévention est légitime à interroger le salarié pour identifier une éventuelle conduite addictive dans le cadre de la visite médicale périodique. Il a également pour mission d’être conseiller des employeurs et des représentants du personnel et donc d’être force de proposition dans l’entreprise dans le cadre de la mise en place d’une démarche de prévention collective.

  • Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)

Le CHSCT et partenaires sociaux doivent être acteurs de l’analyse et de la gestion de la situation de l’entreprise. Il ne s’agit pas d’imputer une responsabilité du travail quant à certaines consommations, mais au contraire d’appréhender le lieu de travail comme un lieu de promotion de la santé.

« Pour réussir une démarche de prévention, vous devez impliquer tous les acteurs concernés dans l'entreprise : la direction, la DRH, l'assistante sociale, le médecin du travail, l'infirmière », préconise Ariane Boon, alcoologue et consultante.

Une ambition qui n’est pas facile à enclencher dès lors qu’il n’y a pas de prise de conscience et de levée du tabou, et que l’entreprise se cantonne aux mesures disciplinaires qui ne constituent pas une solution viable sur le long terme.

Sources :

Adversus-alea

L'entreprise-l'express

Drogues-gouv

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