Les nouveaux produits de synthèse et Internet

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Ces nouveaux produits de synthèse (NPS), accessibles sur Internet entre 8 et 35 euros le gramme sous des appellations chimiques aussi mystérieuses que 2C-x, MXE ou DXM, imitent les effets de produits illicites comme l’ecstasy, les amphétamines, la cocaïne ou le cannabis.

Qui sont les utilisateurs de ces nouvelles drogues ?

Si le marché de ces substances psychoactives apparues en France depuis 2008 était relativement bien connu, avec notamment 178 molécules différentes répertoriées en début d’année dernière, le profil des consommateurs restait flou.

Une enquête de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) publiée mercredi 11 mai, permet pour la première fois de mieux connaître ces usagers, plus discrets que ceux de drogues classiques.

Les adeptes de ces nouvelles substances psychoactives principalement vendues sous forme de poudre sont en majorité des hommes jeunes (28 ans en moyenne), qui vivent dans une grande ville, présentent un niveau d’éducation « assez élevé » et sont en quasi-totalité (97 %) déjà des consommateurs d’autres drogues illicites, révèle l’étude qui s’appuie sur 607 questionnaires remplis en ligne entre mai et octobre 2014.

Si cette méthode comporte certains biais, elle a cependant permis d’atteindre des « usagers cachés et isolés » qui seraient sans doute restés inaccessibles par des moyens plus traditionnels, explique-t-on à l’OFDT.

Ces consommateurs de drogues de synthèse se répartissent en « cercles concentriques ». Au centre de ces cercles, des « psychonautes », c’est-à-dire des usagers « quasi experts » qui testent ces nouveaux produits synthétiques sur eux-mêmes, relatent avec précision leurs expériences sur les forums Internet et maîtrisent les termes chimiques et les différences entre les molécules.

« Plus on s’éloigne de ce noyau, plus on va vers des consommations non plus choisies, mais subies », explique Agnès Cadet-Taïrou. « A l’extrême, une bonne partie des usagers en espace festif ne savent pas qu’ils consomment un nouveau produit de synthèse. »

Comment et pourquoi sont-ils consommés ?

Si un usager sur deux (55 %) dit avoir acheté son NPS sur Internet, un quart des personnes ayant répondu à l’enquête (24 %) disent l’avoir reçu en cadeau, 15 % l’avoir acheté à un ami et 12 % se l’être procuré auprès d’un dealer. « Les NPS sont devenus des produits de consommation courante sur Internet, comme pour réserver une nuit d’hôtel, on peut payer par Carte bleue, il y a un service après-vente, et des commentaires d’utilisateurs sur le site », constate Pierre Chappard, le président de PsychoActif, une association d’usagers de stupéfiants qui anime l’un des deux forums français de référence sur ces drogues de synthèse.

Les usagers de ces produits disent en majorité (60 %) avoir d’abord recherché une « modification de leur perception ».

Les deux substances les plus consommées – du moins par ceux qui en connaissent le nom – appartiennent à la famille des phénéthylamines (38 %) et de la méthoxétamine (34 %) aux effets hallucinogènes.

« Ce goût pour les substances hallucinogènes est une particularité française car, dans les autres pays, on recherche davantage des effets stimulants », relève Agnès Cadet-Taïrou, qui a supervisé l’étude de l’OFDT. Un peu moins de la moitié (47 %) des répondants déclarent par ailleurs avoir simplement voulu se « défoncer » en prenant un NPS, tandis que 42 % disent avoir souhaité « être bien avec les autres, être plus sociable ».

Enfin, quatre consommateurs sur dix disent avoir rencontré des effets indésirables lors de la prise d’une drogue de synthèse. Pour l’OFDT, les répondants affichent sur ce point « une vision assez rationnelle » des NPS, dont « ils craignent les dangers comme le montrent les besoins d’information exprimés et une propension à ne pas considérer ces produits comme un ensemble mais à les évaluer substance par substance ».

Internet facilite-t-il le commerce des drogues? 

Internet joue un rôle croissant dans le commerce de la drogue en Europe, «offrant des options plus variées» aux acheteurs et préservant leur anonymat, s’inquiète l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) dans un rapport.

«Presque tous les types de drogues illicites peuvent aujourd’hui être achetées en ligne et livrées par la poste, sans rencontre physique entre l’acheteur et revendeur», commente Dimitris Avramopoulos, commissaire européen chargé des Affaires intérieures.

Alors que plus de 80 millions de personnes, soit près d’un quart de la population adulte de l’Union européenne, ont déjà consommé des drogues illicites, le recours à l’internet reste encore limité, indique l’OEDT.

Selon une étude menée en 2015 parmi 100.000 internautes dans le monde, quelque 10% des sondés ont reconnu avoir acheté de la drogue sur le web.

Si le gros du trafic «reste fermement enraciné dans le monde physique, les marchés virtuels repoussent aujourd’hui les limites de l’approvisionnement en drogues » relève Alexis Goosdeel, directeur de l’OEDT.

En Europe, quelque 650 sites permettent ainsi d’acheter les nouvelles substances psychoactives (NSP), des euphorisants souvent présentés comme substituts aux drogues illicites existantes, mais parfois mortels, d’après le rapport annuel 2015 de l’OEDT.

Sources :

Le monde

L'avenir

Publication OFDT - Tendances (fichier PDF, 352 Ko): Télécharger

 

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