Médicaments et accidents de la route : des pictogrammes insuffisants

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Malgré l'introduction des pictogrammes sur les boîtes des médicaments en 2007, le nombre de patients responsables d'accidents de la route ayant consommé des médicaments psychotropes est en légère hausse.

Les triangles de couleurs apposés sur les boîtes de psychotropes pour alerter d'une incompatibilité avec la conduite ne permettent pas de réduire le nombre d'accidents de la route liés à ces médicaments en France, selon une étude réalisée par une équipe de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

pictogrammes medicaments

Les chercheurs de l’Inserm ont souhaité étudier l'impact des indicateurs sur les accidents de la circulation, en se concentrant sur des conducteurs qui prennent des somnifères ou des remèdes contre l'anxiété de la famille des benzodiazépines anxiolytiques et des hypnotiques apparentés aux benzodiazépines, qui représentent 70 % des médicaments associés aux accidents.

«Notre étude ne remet pas en cause l'usage de ces pictogrammes, par contre elle montre clairement qu'ils ne suffisent pas», affirme Emmanuel Lagarde, l'un des auteurs de l'étude publiée dans la revue British Journal of Clinical Pharmacology.

Apparu en 1999, le premier pictogramme distinguant les médicaments à risque pour la conduite était un simple triangle noir. Il figurait sur près d'un produit sur trois. L'étude rappelle que sa mise en place avait entraîné une baisse significative du nombre de consommateurs de psychotropes impliqués dans des accidents de la route. Ce logo unique a été remplacé par un système davantage adapté à la diversité des risques secondaires à ces substances, deux triangles orange et rouge en janvier 2007, auxquels s'est ajouté un triangle jaune en 2009.

Une légère augmentation des consommateurs à risque

Afin de déterminer l'efficacité des pictogrammes orange (qui demande au patient de faire preuve de prudence et de «ne pas conduire sans l'avis d'un professionnel de santé») et rouge («ne pas conduire»), les scientifiques de l'Inserm ont collecté les données de 142 763 conducteurs impliqués dans un accident de la route entre 2005 et 2011, à partir des registres de la Police nationale et de l'Assurance maladie.

Alors qu'une baisse significative de la proportion de consommateurs de médicaments «à risque» parmi les automobilistes accidentés était attendue, il n'en a rien été. Les chercheurs ont même noté une légère augmentation parmi les responsables d'accidents de la route, du nombre de patients traités avec des benzodiazépines anxiolytiques ou des hypnotiques apparentés aux benzodiazépines. Une proportion qui dépasse même les pourcentages relevés au moment de la mise en place de l'unique pictogramme noir.

Une population vieillissante

«Cela s'explique par le fait que la population vieillit et que, par ailleurs, la consommation de tels médicaments augmente avec l'âge, explique Emmanuel Lagarde. On sait également que la proportion de femmes ayant le permis de conduire augmente, or ce sont elles qui sont les plus grandes consommatrices de benzodiazépines». Le chercheur souligne que si ces pictogrammes sont utiles, il faudrait les accompagner d'autres mesures : par exemple, une campagne d'information en direction du public ou des médecins, qui doivent tenir leurs patients informés des risques.

Selon une précédente étude de l'Inserm, la prise de médicaments à risque serait responsable de 3 à 4 % de l'ensemble des accidents de la circulation en France.

«Un chiffre aujourd'hui plus proche de 5%», souligne Emmanuel Lagarde. Une tendance qui n'est pas près de s'arrêter selon lui, si l'on ne fait rien pour améliorer le niveau d'information des consommateurs de ces psychotropes. En 2012, environ 11,5 millions de Français ont consommé au moins une fois une benzodiazépine en France, selon l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

L’inefficacité des pictogrammes

La question se pose de savoir si cette inefficacité est due à un défaut de conseil de la part des professionnels de santé ou la faute de conducteurs qui ne font pas attention aux consignes ou ne les respectent pas délibérément.

Peut-être un peu de tout cela à la fois. Avant de prendre la route, il convient donc de bien regarder la notice des médicaments que vous prenez pour savoir si ceux-ci auront un impact sur votre conduite, en regardant notamment la durée des effets. Lorsqu'un nouveau traitement vous est prescrit, demandez toujours conseil à votre médecin ou votre pharmacien.

Alcool et médicaments : un mélange risqué

Il est important de rappeler également que l'association médicaments et alcool augmente aussi le risque d'accidents de la route. Et même plusieurs heures après l'ingestion, l'alcool peut entraîner de sérieux dommages sur la santé lorsqu'il est consommé avec certains médicaments.

Anxiolytiques, somnifères, opiacés... De nombreux traitements peuvent interagir avec l'alcool, avec pour conséquences des effets indésirables parfois graves. Des nausées, au coma, en passant par l'arrêt respiratoire, les effets de l'éthanol, combinés à certaines molécules, sont complexes.

Deux scénarios sont généralement possibles. Soit l'alcool retarde la dégradation du médicament, allongeant son action dans l'organisme et ainsi ses effets secondaires. Soit, à l'inverse, l'éthanol accélère la digestion des molécules, rendant le traitement beaucoup moins efficace.

Une association dangereuse

Globalement, l'alcool agit sur le système nerveux central. Il joue ainsi un rôle dépresseur sur le cerveau, tout comme d'autres médicaments, tels que les anxiolytiques, les somnifères, les neuroleptiques et les sédatifs. En agissant sur les mêmes récepteurs, l'alcool va booster les effets de ces médicaments, en particulier les effets sédatifs. Ce mélange est donc totalement à proscrire car, au-delà de la somnolence ou de la confusion, la combinaison peut entraîner des détresses respiratoires, le coma, voire la mort.

Si l'alcool peut amplifier, de manière parfois violente, les effets secondaires de certains médicaments, il peut aussi, à l'inverse, accélérer leur digestion et donc limiter leur efficacité. "L'éthanol est une petite molécule facilement résorbée par la muqueuse digestives, 80% l'étant au niveau intestinal", explique l'Inserm, dans une expertise collective. Dans le système digestif, l'alcool va monopoliser les mêmes enzymes que certains médicaments, entrant alors en compétition avec ces traitements.

Les interactions alcool-médicament sont donc complexes, et doivent être prises au cas par cas. Plus généralement, les effets délétères des mélanges varient beaucoup en fonction de la dose et de la durée d'alcoolisation.

Quoi qu'il en soit, il ne faut jamais arrêter un traitement sans avis médical, même pour une soirée arrosée ! L'idéal est de limiter au maximum sa consommation d'alcool et de se référer à la notice du médicament ou aux conseils de son médecin ou pharmacien

Sources:

sante lefigaro

caradisiac

francetvinfo

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